Les Jardins d’OO
Isabelle Delannoy
La crise du Covid a mis en exergue la question de la souveraineté alimentaire et l’enjeu de relocalisation de notre alimentation.
“L’une des leçons de la crise actuelle est de repenser la souveraineté alimentaire ; la relocalisation de notre alimentation est un fondement de notre sécurité alimentaire”, a ainsi affirmé Emmanuel Faber, PDG de Danone.
“Les chaînes d’approvisionnement internationales à flux tendus, sans stock et sans redondance, nous rendent bien trop vulnérables”, complète Gaël Giraud, économiste au CNRS.
Comment développer notre résilience alimentaire et faire face aux 4 grands types de menaces pesant sur notre système alimentaire ?
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Les effets du changement climatique : manque d’eau et développement et la migration des pathogènes et ravageurs de culture
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Les effets de l’effondrement de la biodiversité : sur les 6000 espèces végétales ayant été cultivées par l’humanité, seules neuf espèces assurent aujourd’hui les 2/3 de la production mondiale
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La dégradation et l’artificialisation des sols : les sols diminuent aussi bien en surface (en raison de l’artificialisation, qui touche souvent des terres particulièrement fertiles) qu’en profondeur (en raison de l’érosion)
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L’épuisement des ressources énergétiques et minières : l’agriculture est passée en moins d’un siècle d’une situation d’autonomie énergétique à une très forte dépendance aux énergies fossiles.
Source : Vers la résilience alimentaire, Association « Les Greniers d’Abondance » – Février 2020.
Innover au service de l’homme et du vivant : ré-ancrer nos activités au vivant et à nos sols par l’alimentation.
Isabelle Delannoy
MON IDEE
Des initiatives type celle des Jardins d’OO (Organisation Organique) partout dans les territoires !
Pour ré-ancrer nos activités, nos sociétés au vivant et à nos sols, commençons par l’alimentation, l’axe le plus puissant pour une transition écologique.
Concrètement, répliquons l’expérience réussie des Jardins d’OO, menée par Xavier Anciaux en Belgique qui pratique une agriculture biologique et permaculturelle, sans engrais et sans tracteur. En passant d’une surface cultivée de 30 à 50 ares en 6 ans, il permet à 300 membres d’être aujourd’hui approvisionnés localement en fruits et légumes toute l’année. Ces circuits alimentaires locaux permettent un retour sur investissement pour le territoire allant jusqu’à 11 euros de richesses créée par euro investi*. Tout un écosystème a ainsi été créé autour du projet impliquant des écoles, les habitants, le politique...
Cette expérience reprend les principes généraux de l’économie symbiotique décrits par Isabelle Delannoy. L’économie symbiotique montre les synergies entre les nouvelles logiques productives et économiques allant vers la durabilité telles que la permaculture, l’économie sociale et solidaire ou encore l’économie circulaire. Elle décrit comment leur association produit une économie régénératrice puissante. En symbiose, deux organismes différents s’associent de façon durable et trouvent dans leurs différences leurs complémentarités pour se développer.
** Source : Slow money, Etats-Unis
** Un des exemples ou modèles souvent cité de l’économie symbiotique est l’écoparc industriel d’une ville portuaire danoise ou “la symbiose de Kalundborg” : le surplus de gaz de la raffinerie apporte de l’énergie à la fabrique de plâtre, et la vapeur des chaudières de la centrale électrique alimente la raffinerie, dont les émanations de dioxyde de soufre fournissent du gypse pour le plâtrier.
QUI EST CONCERNE ?
Tout le monde : les habitants, les agriculteurs, le maire, la région, les écoles.
COMMENT CA FONCTIONNE ?
C’est l’histoire de l’incroyable succès des Jardins d’OO, une expérience grandeur nature d’économie symbiotique avec un système basé sur la collaboration, la confiance entre habitants et surtout sur la régénération de la biosphère, de la vie microbienne jusqu’aux vers de terre, insectes et oiseaux…
Dans la province de Namur, en Belgique, Xavier Anciaux, s’est reconverti, en 2014, à l’âge de 40 ans, dans la permaculture et le maraîchage, dans son village de 6000 habitants, Noville-les-bois, avec une envie et une mission : être positif et développer le vivant. Uniquement par la traction animale, Xavier cultive en maraîchage bio, tout au long de l’année, plus de 40 légumes, qu’il propose ensuite aux membres “des Jardins d’OO”, adeptes de l’autocueillette. Des ateliers cuisine sont également organisés. Xavier livre en outre ses légumes toutes les semaines à l’école du village et, une ou deux fois par an, les enfants viennent observer le travail des chevaux. Au final, Xavier a une clientèle très diverse : des sociologues, des philosophes, des chômeurs, des ouvriers... un écosystème social, qui se reconnait sur la nourriture.
Pour reproduire ce modèle des Jardins d’OO, il faut multiplier les communautés de taille raisonnable, garantes de liens sociaux forts et créer un système qui va croître en “tâche d’huile”, en essaims d’environ 150 personnes. Ces communautés d’acteurs auront vocation à toucher une population beaucoup plus importante (à l’échelle d’un bassin de vie).
Ce modèle est complètement reproductible partout dans le monde.
La proximité géographique est une clé, de même que l’état d’esprit privilégiant une complète transparence et l’instauration d’un véritable climat de confiance entre les différents acteurs qui décident ensemble d’agir et de collaborer. Ne pas imposer est également un point clé : les habitants doivent être associés par le dialogue à l’établissement de tels expérimentations.
Un des leviers principaux pour démarrer est de s’appuyer sur une société de territoire (dédiée initialement au domaine des énergies, elle s’ouvre maintenant à d’autres domaines) dont un des objectifs est la mutualisation des ressources. La municipalité doit également montrer son soutien et créer un climat très incitatif.
LES RAISONS D'Y CROIRE
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Dernièrement, les Jardins d’OO ont vécu une mutation culturelle pendant la crise liée à la COVID.
Seuls à pouvoir distribuer en porte à porte des paniers alimentaires (fruits et légumes) dans le village et autour, auprès de ses membres ; beaucoup de gens, à la faveur de la crise, ont mieux compris la démarche et se sont ralliés aux Jardins d’OO.
Ainsi, le maire a enfin débloqué un projet en attente depuis 3 ans et donné son accord pour que la coopérative regroupant le producteur, Xavier Anciaux, et les consommateurs puisse acheter un terrain de 3 hectares, en plein milieu du village. Et les 20 000 € recueillis dans la coopérative ont permis de payer le fermier.
Xavier Anciaux est en train d’exploser son chiffre, tout en ayant des externalités positives : écologique, économique et sociale. Plus son chiffre monte, plus il peut acheter de terres pour produire en permaculture, plus il crée du lien social, de la régénération écologique… Il crée ainsi un véritable écosystème social, ultra créatif de valeurs et symbiotique à son échelle. La logique de mesure n’est alors pas être basée sur un suivi simpliste du chiffre d’affaire mais sur une vision plus globale incluant le CA par emploi, par m2 et l'augmentation de la biodiversité au regard de la biodiversité actuelle.
POUR ALLER PLUS LOIN
La méthode et les résultats seront bientôt documentés dans le cadre de la chaire partenariale d’”économie symbiotique des territoires” actuellement en création avec Philippe Durance du CNAM, professeur et titulaire de la chaire de Prospective et Développement durable.
BIO
De formation ingénieure agronome, Isabelle DELANNOY s'est spécialisée depuis 20 ans dans le développement durable. Nourrie par ses recherches et par la fertilité de son réseau, elle apporte une vision : celle d’un monde où la technologie est mise au service de l’intelligence du vivant, et où l’homme peut être le co-constructeur des équilibres planétaires. C’est l’économie symbiotique : un modèle économique régénératif pour les écosystèmes, l’économie et la société humaine qu'elle décrit dans son livre L'économie symbiotique en 2017. Elle a également été coscénariste du film Home, réalisé par Yann Arthus-Bertrand.
LIENS UTILES
Etudes
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Vers la résilience alimentaire, Association « Les Greniers d’Abondance » – Février 2020
Livres
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L'Économie symbiotique, Isabelle Delannoy, Actes Sud, 2017
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Jamais Seul, Marc-André Selosse, Actes Sud, 2017.
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Extractivisme, Anna Bednik, Le Passager Clandestin, 2016
Articles
Internet
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Site des Jardins d’OO : http://ooexperience.be/
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Vidéo de présentation : https://www.youtube.com/watch?v=ZXzReLCYX58
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Réseau auquel appartient Les Jardins d’OO : http://influences-vegetales.eu/
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Site internet Isabelle Delannoy : https://fr.symbiotique.org/fr/
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Podcast Présages : https://www.youtube.com/watch?v=i0R6eknj9Vc
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Tedx Dijon : https://www.youtube.com/watch?v=9BL0fJErgmQ
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Exemple de « la symbiose de Kalundborg » : https://medium.com/@lavillepositive/il-%C3%A9tait-une-fois-l%C3%A9conomie-industrielle-de-kalundborg-a4c2b6ca71ee
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Set de mesures de la biodiversité : http://www.set-revue.fr/mesures-compensatoires-pour-la-biodiversite-comment-ameliorer-les-dossiers-environnementaux-et-la